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LE CINÉ-CLUB POST-MODERNE #1: PASCAL PLANTE

Le Cinéma Moderne est heureux de proposer de nouveaux événements afin de célébrer la relance du milieu cinématographique québécois. En tandem avec Post-Moderne, ces nouvelles soirées cinéphiles mettent en lumière le talent avec qui nous collaborons au quotidien. Avec la mission de mettre à l’honneur nos artisans d’ici, le Ciné-club Post-Moderne est programmé par un.e invité.e différent.e à chaque édition. Des projections et rencontres intimes pour et par les passionné.e.s du milieu: un nouveau pont convivial entre l’industrie et le public pour réunir toute une communauté!

 

Après un parcours illustre en court métrage suivi par Les faux tatouages en 2017, un premier long métrage de fiction présenté à la Berlinale, le cinéaste Pascal Plante poursuit sa lancée avec Nadia, Butterfly, sélectionné à Cannes en 2020 et présenté au Cinéma Moderne ce printemps. Deux films aux sujets bien différents qui laissent toutefois paraître le même désir de remanier les conventions de deux genres bien établis: la comédie romantique et le drame sportif. Au-delà de son statut de réalisateur primé, Plante demeure avant tout un cinéphile aguerri, passionné, érudit; c’est lors de sa transition entre la vie d’athlète et le monde du cinéma qu’il se met à dévorer film après film à un rythme effréné. Le transfert d’un amour obsessif vers un autre, comme il aime si bien le dire. 

 

En tant que premier invité du Ciné-club Post-Moderne, nous avons demandé à Pascal de replonger dans sa cinéphilie et de nous partager quatre coups de cœur distincts: un long métrage international, un long métrage québécois, un long métrage d’une réalisatrice ainsi qu’un court métrage au choix. À son habitude, il en a beaucoup à dire! – Benjamin Pelletier

 

FILM INTERNATIONAL

The Deer Hunter

(Michael Cimino, États-Unis, 1978)

Ma bible de cinéma. Cette œuvre colossale de Michael Cimino sur l’avant-pendant-après Guerre du Viêt Nam (la première œuvre cinématographique majeure abordant ce conflit) se targue de réunir l’une des plus incroyables brochettes d’acteurs de la décennie la plus faste du cinéma américain : Robert De Niro, Christopher Walken, Meryl Streep et John Cazale y sont tous à leur apex. Cimino amalgame les paysages de la Pennsylvanie, de l’Ohio et de la Virginie occidentale pour donner naissance à la ville ouvrière de Clairton, composée majoritairement de sidérurgistes d’origine lituanienne, férus de chasse et de grands espaces, de confession religieuse russe orthodoxe : un portrait atypique de « l’Amérique profonde », si chère au cinéaste, qui nous rappelle, ce faisant, que les États-Unis sont bâtis à la sueur des immigrants… et que ce sont eux, encore et toujours, les victimes absurdes des conflits politiques armés. La ville de Clairton et ses habitants demeurent figés dans le temps, mais les survivants de la Guerre, eux, s’en retrouvent à jamais changés. Jamais un « God Bless America » n’aura été aussi sinistre qu’en épilogue de ce film dévastateur…

Revoir The Deer Hunter pour moi, c’est un peu comme retrouver ses vieux amis. Certes, ils ne sont pas exempts de défauts, mais ils vibrent avec tant d’humanité qu’il est impossible de ne pas leur être empathique. Il ne me suffit aujourd’hui que d’entendre quelques notes de guitare classique du thème mythique pour me remuer dans tous mes états. – Pascal Plante

 

 

FILM QUÉBÉCOIS

Parlez-nous d’amour

(Jean-Claude Lord, Québec, 1976)

L’existence même de ce film au sein de notre cinématographie québécoise est un petit miracle en soi, tant il tire à boulets rouges sur tout, et tout le monde. À contre tendance des films à caméra-épaule inspirés du cinéma direct de ses contemporains, Parlez-nous d’amour est une œuvre de fiction rigoureusement mise en scène : trépied, dolly et grue au menu à la quasi-grandeur. Ce 4e long-métrage de Jean-Claude Lord est un peu notre Network ou notre Magnolia de chez nous : une critique cinglante du monde de la télévision tendancieuse, mettant en vedette Jacques Boulanger (lui-même animateur télé) dans son unique rôle au cinéma. Rôle duquel il tenta de se dissocier par la suite, d’ailleurs, tant son image au sourire-Colgate télégénique en ressort entaché via un personnage archi-détestable, qui abuse de son pouvoir pour dominer et humilier les moins fortuné.e.s (toujours tristement d’actualité…). On n’a qu’à penser à l’horrifiante scène « d’audition sur le sofa » d’une aspirante jeune chanteuse pour réaliser que l’on ne joue pas dans la dentelle, au contraire.

Ironiquement, après un film aussi acerbe sur le milieu de la télé, Jean-Claude Lord fut par la suite tout aussi prolifique au petit écran qu’au grand écran (Lance et compte, Diva, etc.). Comme quoi, avec Parlez-nous d’amour, Lord critiquait un univers dont il connaissait parfaitement les codes.

– Pascal Plante

 

 

 

FILM D’UNE RÉALISATRICE

An Angel At My Table

(Jane Campion, Nouvelle-Zélande/Australie/Royaume Uni/États-Unis, 1990)

Campion est évidemment plus connue pour The Piano, son film suivant, mais ce deuxième long métrage occupe une place chérie dans mon cœur. Un an après Sweetie, Campion quintuple son ambition et offre un survol sur plusieurs décennies de la vie tumultueuse d’une écrivaine néo-zélandaise – Janet Frame – qui a souffert de troubles de santé mentale mal diagnostiqués. La comédienne principale (Kerry Fox), ainsi que les deux comédiennes plus jeunes qui incarnent Janet, sont incroyablement touchantes. Le casting des trois actrices, au faciès et aux cheveux roux atypiques, est d’ailleurs parfaitement crédible : rarement au cinéma a-t-on changé le visage d’un protagoniste d’une scène à l’autre de façon aussi convaincante, et le portrait d’époque, des années 20 aux années 50, y est par ailleurs extrêmement vibrant. Le souffle romanesque de An Angel At My Table est en adéquation symbiotique avec son propos, mais l’œuvre – adaptée par la scénariste Laura Jones d’après la série de romans autobiographiques de Janet Frame – demeure éminemment cinématographique. Campion propose une esthétique sensorielle aux couleurs saturées : le vert flamboyant des buttes gazonnées de la Nouvelle-Zélande, et le roux vifs des cheveux de ces brillantes actrices. 

– Pascal Plante

 

 

COURT MÉTRAGE

The Heart of the World

(Guy Maddin, Canada, 2000)

La folie de Guy Maddin dans toute sa splendeur ! Plus d’idées folles et de créativité en six minutes que dans une majorité de long métrages ! Maddin transcende le pastiche du cinéma muet soviétique des années vingt en crinquant le volume à 11… pour notre plus grand bonheur. Les quelques 100 plans par minutes (!) défilent en mitraillette au rythme effréné de la musique tonitruante de Georgy Sviridov, elle-même tirée d’un film soviétique des années soixante intitulé Time, Forward! – point d’exclamation en prime. Je me permets une légère digression, mais cette musique iconique a accompagné ma vie de façon quasi-hebdomadaire entre 2012 et 2020, puisqu’elle a servi de thème pour notre défunt podcast-cinéma Point de Vues. Je me permets de le dire, puisque ces huit années passées à discuter de cinéma entre geeks passionnés furent fondamentales dans le développement de ma cinéphilie… et par conséquent, de ma griffe de cinéaste, aujourd’hui. 🙂

– Pascal Plante

 

 

 

Découvrez au Cinéma Moderne la sélection du cinéaste Pascal Plante ainsi que son oeuvre, Nadia Butterfly. Les représentations du Ciné-club Post-moderne sont précédées d’une introduction de notre invité et suivies d’une discussion en salle!

Parlez-nous d’amour : Jeudi 29 juillet – 19h45

Nadia, Butterfly : Jeudi 5 août – 19h45

The Deer Hunter : Samedi 14 août – 14h00